Ce livre est profond, trash et burlesque.
A Londres, à partir de 1990.
En rentrant de l’enterrement de son père, Kay réalise deux choses : elle n’a pas pu pleurer tant elle s’est sentie délivrée et jamais elle ne supportera la même fin de vie. C’est donc autour d’un verre qu’elle et son époux Cyril en viennent à nouer un pacte. Certes, ils n’ont que cinquante ans, sont en bonne santé et comptent bien encore profiter de leurs enfants et de leurs petits-enfants, mais pas question de faire vivre à leurs proches leur inéluctable dépendance, ni d’ailleurs de faire peser sur les finances publiques et les générations futures le coût de leur déliquescence. C’est décidé, le jour de leurs quatre-vingts ans, ils partiront ensemble.
En 2020.
Kay est devenue une décoratrice d’intérieur très appréciée, Cyril a pris sa retraite. Kay minimise volontiers ses douleurs arthritiques, Cyril fait semblant d’être mal en point.
Kay n’a pas d’opinion sur le Brexit, Cyril est radicalement contre.
Arrive le soir de leurs quatre-vingts ans. Comme ils se l’étaient juré, ce soir ils prendront tous ces tranquillisants accumulés patiemment et mourront ensemble. A moins que …
A moins que Kay ne panique et laisse Cyril se suicider seul.
A moins que Kay ne se rebelle contre le projet et que Cyril admette que tout ça n’était qu’une idée en l’air.
A moins que Kay ne prenne les pilules mais que Cyril n’y parvienne pas. Et que leur fille décide de venger la mort de sa mère.
A moins que leurs enfants ne devancent leurs projets et les enferment dans une horrible maison de retraite.
A moins que la recherche médicale n’aie fait de tels progrès qu’ils testent un nouveau médicament capable de les faire rajeunir.
A moins que la pandémie mondiale ne vienne bousculer tous leurs plans.
A moins qu’ils ne trouvent le moyen de rester maîtres de leur destin.
D’un ton alerte et mordant, Lionel Shriver étrille notre dégoût inavouable du grand âge.
Dans « A prendre ou à laisser », Lionel Shriver est au sommet de son art.
Avec ses douze variations possibles, ce roman est une merveilleuse construction qui rend la lecture passionnante et ludique.Elle réussit la prouesse de ne jamais se répéter. Elle s’autorise toutes les inspirations et toutes les possibilités, de la plus banale à la plus sombre et à la plus fantaisiste, voire à la plus dystopienne pour mieux approfondir sa réflexion.
Shriver sait se montrer étonnamment tendre envers ses personnages. Kay et Cyril partagent des valeurs, font des choix courageux, s’accomplissent l’un avec l’autre. Elle fait même preuve d’un optimisme bienvenu dans quelques-uns des scénarios envisagés en imaginant des individus maîtres de leurs conditions de fin de vie. Et bien entendu, son humour ravageur vient ponctuer les réflexions passionnantes qui se soulèvent à chaque variation du pacte.
Ce livre est profond, trash et burlesque.
En le refermant, on est consterné, bousculé mais, étrangement, on a le sourire aux lèvres.