Une petite sodomie à l’heure du goûter, en sortant de l’école ?

le_consentementÇa fait longtemps qu’un livre ne m’a pas mise dans une telle colère. Plusieurs fois au cours de sa lecture j’ai eu envie de hurler, de jeter ce livre à travers le salon, d’ouvrir la fenêtre et de crier ma rage au vent d’hiver.

Ça fait longtemps que je connais les livres de Matzneff et que je refuse de les vendre. A chaque rentrée littéraire, tout au long de mon parcours professionnel, on me proposait le nouveau Matzneff, chaque fois je refusais. Mon refus suscitait l’étonnement du représentant : «  Mais enfin il est publié chez Gallimard «

C’est vrai que ça m’a toujours consternée : comme si la couverture Blanche était une garantie de qualité non seulement littéraire.

Mais parlons plutôt du livre de Vanessa Springora et laissons les querelles germanopratines au cercle fermé de l’édition parisienne.

Son livre est magnifique ! Son récit est juste !

Bravo à elle pour avoir su mettre des mots sur l’horreur. Il n’y a pas de « Mélo » dans ce livre juste le récit d’une adolescente bafouée, traumatisée. Vanessa S. décrit avec précision la fascination, le sentiment amoureux, l’emprise et l’empreinte et finalement la rupture. Tout cela est raconté avec dignité, avec classe. Ce qui fait naître, chez le lecteur, encore plus de révolte.

Quelle solitude !

Vanessa traversera cette liaison sulfureuse et destructrice comme si elle était seule au monde. Elle a 14 ans. Il y a bien quelques amis pour essayer timidement de la mettre en garde, mais vraiment timidement. Son père pique une grosse colère et puis plus rien.

Sa mère est totalement à côté de la plaque. Une autorité bienveillante aurait pu secourir Vanessa et la laisser moins seule face à cette liaison toxique.

Sa mère est tellement déconnectée du monde réel dans lequel patauge sa fille qu’elle essaye bien de la mettre en garde contre ce type qu’elle décrit, elle-même, comme un pédophile. Finalement elle invitera cet homme à dîner avec des amis comme s’il avait toujours fait partie du cercle familial !

Vous invitez souvent des pédophiles à dîner, vous ? Moi pas ! Un peu facile de mettre en cause la société de l’époque, les années 70, etc.

L’histoire de Vanessa se passe dans les années 90.

Les traces laissées par cette relation toxique vont l’accompagner tout au long de sa vie de femme. Après la rupture, le harcèlement va la poursuivre tout au long de sa jeunesse, alors qu’elle a repris vaillamment le cours de ses études. Elle deviendra, bien malgré elle, un personnage reconnaissable des romans de Matzneff qui publiera, sans aucun scrupule, les lettres de Vanessa.

Pour conclure, je citerai une phrase de l’auteure qui résume bien l’enfermement dans lequel elle se trouvait.

« Depuis tant d’années je tourne en rond dans ma cage, mes rêves sont peuplés de meurtre et de vengeance. Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre. »

Souhaitons-lui la délivrance enfin !

Un livre magnifique !

crédit photo Lepoint.fr
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